Kister, Frédéric – Éléments pour une biographie politique d’Ernst Jünger

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Entre les deux guerres, Jünger se lança à corps perdu dans la politique. A cent ans, lors d’un entretien en 1994, Jünger déclara que l’écrivain devait prendre ses distances par rapport à la politique, afin de ne pas se laisser contaminer. Dégoût, lassitude ou prise de distance ?

Nombre de critiques distinguent deux Jünger, celui de l’engagement politique et celui de l’ »émigration intérieure « , comme si une brusque rupture avait scindé sa vie en deux morceaux. Cette brochure, au contraire souligne la continuité de sa pensée. Certes, elle a connu une longue évolution de l’engagement total du soldat et du politique, jusqu’au détachement presque absolu. Pourtant, on discerne plusieurs caractéristiques constantes du personnage.

D’abord, le recours au rêve et au voyage. Un lien étroit unit le Wandervögel qui parcourait les champs au vieux sage qui se livrait aux chasses subtiles. Durant toute son existence, Jünger s’évada dans le domaine des songes.

Son éthique aristocratique a traversé le siècle. Malgré les épreuves et les blessures, il conserva sa rigueur morale et sa liberté d’esprit. Il resta toujours l’ » anarchiste prussien « .

Ami fidèle, il n’abandonna pas Niekisch, ni Heidegger, bien qu’il n’approuvât pas les choix politiques de ce dernier. Ayant horreur de la démocratie parlementaire, il énonça sa pensée en refusant la polémique verbale. Esprit libre, il refusa toute sujétion ou allégeance à un parti ou à un régime. Anti-bourgeois, il développa sa personnalité au détriment de l’individualisme.

La rencontre avec la technique, force ambivalente, à la fois créatrice et destructrice, marqua toute son oeuvre. Le soldat l’affronta sur les champs de bataille, le Travailleur voulut la dompter, le Rebelle la méprisait, finalement l’Anarque l’utilise, au moyen du Luminar, pour boucler l’Eternel Retour.

Depuis sa jeunesse, Jünger conserva l’attitude détachée qui fait de lui une figure hiératique. L’observateur impassible qui contemple les orages d’acier est le même qui observe le Condor. Pourtant, il participa aux événements, mais son retrait lui permettait peut être de se préserver de leur violence.

Qu’écrire de plus, sinon que, sans de tels hommes, l’Humanité n’éprouverait plus aucun respect pour elle-même.

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